Son approche, ses principes...

LA MEDECINE AYURVEDIQUE, SON APPROCHE ET SES

PRINCIPES

L’Ayurvéda est l’une des sciences médicales les plus anciennes du monde. Son origine

remonte aux Vedas, le savoir le plus ancien connu. Il a survécu à travers deux ensembles de

textes authentiques, chacun consistant en trois livres, soit:

1. Les trois grands livres (Vrihattrayi) : le Caraka Samhita (500 av. J-C.) Sushruta Samhita

(500 av. J-C.), et le Samhita de Vâgbhatta (600 ap. J-C.),

2. Les trois petits livres (Laghuttrayi): le Sârangdhara Samhita (1300 ap. J-C.), Bhâva Prakâsa

(1600 ap. J-C.) et Mâdahava nidâna (166 ap. J-C.).

Tous ces textes ont été originellement écrits en sanscrit et forment une encyclopédie traitant

de tous les aspects de la vie, de l’homme, de la santé, de la maladie et des traitements

thérapeutiques. L’approche est essentiellement philosophique, holistique et humaniste.

L’Ayurvéda est plus orienté vers la vie et la santé que vers la maladie et la thérapeutique. Il

représente une science totale de la vie et décrit la santé de l’être humain dans sa globalité et de

manière holistique.

L’Ayurvéda représente un système médical complet de promotion, prévention et

thérapeutique. Il a été pratiqué dès les temps anciens sous la forme de huit spécialités

médicales principales, soit:

• médecine interne (Kâyachikitsâ)

• chirurgie (Shalya Tantra)

• otorhinolaryngologie et ophtalmologie (Shâlâkya)

• pédiatrie, obstétrique et gynécologie (Kaumârabhritya)

• psychiatrie (Bhûtavidyâ)

• toxicologie (Agad Tantra)

• nutrition, rajeunissement et gériatrie (Rasâyana Tantra)

• sexologie (Bâjîkarana)

Ainsi, dès l’antiquité, l’Ayurvéda était déjà un système médical très développé.

L’approche:

Les connaissances et la sagesse concernant les différents aspects de la médecine ayurvédique

classique sont très riches. Il est étonnant de penser aux méthodes et instruments qui ont été

utilisés pour découvrir un savoir si avancé. Ces méthodes n’étaient certes pas seulement de

simples méthodes expérimentales physiques. La méthodologie a certainement été intuitive,

due à l’expérience et à la perception directe de la réalité. L’Ayurvéda, comme tous les autres

systèmes du savoir de l’Inde ancienne a fait ses découvertes à travers les sources les plus

subtiles, soit Prâmana, c’est-à-dire:

• perception directe (Pratyaksha)

• inférence logique (Anumâna)

• témoignage direct (Aptopadesha)

• preuve expérimentale (Yukti)

etc.

A la lumière de la nature du savoir ayurvédique, il est suggéré que toutes les études et

recherches dirigées actuellement pour faire revivre cette grande science devraient suivre trois

paramètres méthodologiques principaux, soit:


 

• L’historicité

• La linguistique, et

• L’évaluation comparative avec la science médicale occidentale moderne.

Si nous examinons les concepts ayurvédiques dans leur perspective historique avec une

interprétation linguistique correcte, tout en observant la même réalité à la lumière du savoir

contemporain, il n’est pas trop difficile d’en comprendre le sens originel. En comparant les

deux approches, médecine ayurvédique et science médicale contemporaine, on peut voir

qu’elles sont très différentes. Si nous comparons les deux approches sans tenir compte de

leurs différences, il y a de grandes chances de se tromper. Les différences évidentes entre

l’Ayurvéda et la médecine occidentale sont les suivantes:

• L’Ayurvéda est essentiellement une science de l’expérience directe (1) alors que la

médecine moderne est une science expérimentale.

• L’Ayurvéda a une approche holistique et globale en contraste de la médecine moderne

qui a une approche analytique.

• L’Ayurvéda est orienté vers la fonction (physiologique) alors que la médecine

moderne est orientée vers la structure ou l’organe.

En d’autres termes, la médecine moderne ne croit pas en une fonction, à moins qu’elle soit

mise en relation avec la structure, alors que la médecine ayurvédique considère l’organisme

comme un tout indivisible qui doit fonctionner comme un tout et exister comme un tout.

Principes Fondamentaux_Le Continuum du Microcosme et Macrocosme : L’Ayurvéda

est basé sur les Lois de la Nature. La théorie du continuum du microcosme et macrocosme

(Loka-Purusha Sâmya) est le principe ayurvédique le plus important. L’être humain est la

réplique de l’Univers en miniature. L’individu et l’univers sont tous deux essentiellement

constitués des cinq facteurs physiques de bases ou éléments (Pâncabhautika), soit:

• Akâshâ (Ether/Espace)

• Vâyu (Air / Mouvement)

• Teja (Feu / Energie radiante)

• Jala (Eau / Forces de cohésion) et

• Prithvî (Terre / Masse)

L’individu (Purusha) et l’univers (Loka) sont en constante interaction et échangent de la

matière l’un avec l’autre de manière à maintenir leur normalité et homéostasie. Cet échange

respecte la loi de Sâmânya et Visesha (homologue versus hétérologue) selon le principe

simple qui dit que les matières semblables ou homologues augmentent ce qui et semblable,

alors que les matières dissimilaires ou hétérologues diminuent les semblables. L’interaction et

l’échange entre l’univers et l’individu (Loka et Purusha) se passent de manière naturelle

lorsque l’homme respire de l’air, boit de l’eau, consomme de la nourriture. Aussi longtemps

que cette interaction est optimale et équilibrée, l’homme jouit d’une santé optimale. Lorsque

cette interaction harmonieuse cesse, la maladie s’installe. C’est pourquoi le principe de base

de tout traitement ayurvédique consiste à restaurer l’harmonie entre Loka et Purusha, de

restaurer l’équilibre normal entre les cinq éléments (Panca Mahâbhûtas) dans le corps et

l’esprit en restaurant l’homéostasie.

La théorie de Âyu et des Panca Mahâbhûtas :_L’Ayurvéda conçoit la vie (Âyu) comme

une entité quadri dimensionnelle comprenant le corps physique (Sharira), les sens (Indriya), la

psyché (Sattva) et l’âme, l’élément conscient (Âtmâ). Ainsi, la vie individuelle est une unité

psycho-physico-spirituelle hautement dynamique et en échange constant avec le cosmos.


 

Nous avons déjà dit que le corps physique grossier consiste en la combinaison équilibrée de

cinq éléments (Panca Mahâbhûtas). La théorie des cinq éléments est essentiellement une

théorie physique. Les cinq éléments représentent les cinq aspects essentiels de la matière, soit:

• La masse, représentée par la Terre (Prithvî)

• La force de cohésion, représentée par L’Eau (Jala)

• L’énergie radiante, représentée par le Feu (Teja)

• Le mouvement, représenté par l’Air (Vâyu)

• L’espace représenté, par l’Ether / Espace (Âkâsha)

La théorie des trois Doshas:_Les cinq attributs physiques se regroupent en trois constituants

biologiques principaux du corps humain appelés trois Doshas, soit : Vâta, Pitta et Kapha. Les

fonctions du corps entier peuvent être expliquées par les trois Doshas. Vâta est le produit

biologique de la prédominance du mouvement et de l’espace (Air et Espace). Pitta est le

produit de la prédominance de l’énergie radiante (Feu) alors que Kapha est le produit de la

masse et des forces de cohésion (Terre et Eau). Ainsi, la théorie des trois Doshas de

l’Ayurvéda est essentiellement une application biologique de la théorie des cinq éléments

(Panca Mahâbhûta) de la physique indoue. Parfois, les trois Doshas sont compris comme les

trois entités conceptuelles développées par les théoriciens de l’Ayurvéda pour expliquer la

physiologie humaine d’une manière holistique et unique. Apparemment, le corps humain

entier consiste en une masse solide de substratum où s’opère un échange intense et constant

d’activité chimique ainsi qu’un "pool" énergétique en mouvement constant. Ces trois Doshas

coexistent en proportion prédéterminée et fonctionnent de manière complémentaire l’un par

rapport à l’autre, dans l’intérêt de la fonction globale de l’organisme entier, malgré leurs

fonctions et propriétés opposées. De ce qui précède, le substratum solide du corps est appelé

Kapha, les propriétés chimiques sont appelées Pitta et l’énergie de mouvement est appelée

Vâta. L’existence des trois Doshas peut être ressentie dans le corps entier et peut également

être dépistée au niveau moléculaire. Chaque cellule du corps consiste en une masse de

substratum, un métabolisme chimique et une énergie opérante. Ce sont les aspects Kapha,

Pitta et Vâta respectivement de la cellule. La proportion des trois Doshas doit rester

équilibrée. Les trois Doshas doivent rester dans une proportion appropriée et normale. Cette

proportion varie d’organe à organe / tissus à tissus / cellule à cellule. Par exemple, une cellule

nerveuse ou neurone peut avoir une proportion de Vâta (mouvement) plus élevée par rapport

aux deux autres Doshas, alors que les cellules d’une glande endocrine telle que celles de la

glande thyroïde ont plus de Pitta (énergie), et les cellules relativement inertes du tissu osseux

telles que les ostéocytes, ou les cellules musculaires, ont plus de Kapha (masse et cohésion)

que les autres cellules du corps.

La constitution psychophysiologique (Dosha Prakriti):_La proportion relative des trois

Doshas est très importante. On appelle Dosha Prakriti la proportion relative des trois Doshas,

génétiquement déterminée et dans des limites normales. Une variété de facteurs prénataux

développe un "pattern" particulier de prédominance relative de l’un ou l’autre des trois

Doshas dans la constitution d’un individu, et cette prédominance normale et génétiquement

déterminée est responsable de la personnalité totale de l’individu, représentant la somme

totale de ses aspects physiques, physiologiques et psychiques. Ainsi, la Dosha Prakriti est un

point important pour la compréhension de la vie humaine, de la santé, de la maladie, de la

tendance aux maladies, de la prévention de la maladie et promotion de la santé, ainsi que des

besoins thérapeutiques des patients. Les textes ayurvédiques décrivent en détail les aspects

physiques, physiologiques et comportementaux de personnes ayant des Prakritis (constitutions

psycho-physiologiques) différentes.


 

Les trois Gunas:_Les cinq éléments (Panca Mahâbhûtas) sont représentés dans la Psyché

d’un individu en termes de trois Gunas au niveau du Mental (Manas), soit Sattva, Raja, Tama.

L’Espace (Âkâsha) est représenté par Sattva Guna. L’Air et le Feu (Vâyu et Teja) sont

représentés par Raja Guna, alors que la Terre et l’Eau (Prithvi et Jala) sont représentées par

Tama Guna. Tama représente la masse et l’inertie, alors que Raja représente la dynamique et

l’activité. Sattva représente un état d’équilibre complet. Ainsi, les trois Gunas sont

l’équivalent au niveau psychique des trois Doshas au niveau du corps. Selon la prédominance

relative et génétiquement déterminée de l’un ou l’autre des trois Gunas, l’aspect psychique

d’un individu varie. Cette variation est classée en trois Constitutions Psychiques (Mânas

Prakritis) principales, subdivisées en seize sous-catégories ou caractères. En principe, un

individu normal moyen représente une combinaison des seize catégories. Cependant, l’une

des catégories peut prédominer et donner à un individu un caractère particulier qui devient

alors son type mental ou Mânas Prakritis.

Pouvoir d’autoguérison_(Swabhâoparamvâda) :_L’Ayurvéda propose une théorie

d’autoguérison naturelle et spontanée par sa doctrine appelée Swabhâoparamvâda. Selon

l’Ayurvéda, le corps humain est doté du pouvoir inhérent et unique de se défendre lui-même

contre la maladie et de guérir spontanément lorsqu’il est malade. Le corps se soigne lui-même

et toute agression à la santé peut être suivie d’une guérison naturelle. Le rôle essentiel de la

médecine est d’assister la nature.

Causes fondamentales de la maladie :_Cependant, malgré sa capacité très grande de résister

naturellement à la maladie et malgré son immunité (Vyâdhikshamatva), l’homme souffre

d’une variété de désordres physiques et mentaux qui nécessitent une intervention médicale.

Nous allons donc décrire les causes de la maladie telles qu’elles sont conçues par l’Ayurvéda.

L’Ayurvéda propose comme cause première de toute maladie le manque d’harmonie entre

l’Homme et son Environnement, soit l’interaction entre le Microcosme (homme) et le

Macrocosme (univers) nommés Purusha et Loka respectivement. Fondamentalement,

l’interaction Loka- Purusha prend place à trois niveaux:

• Kâla (facteur temps) et ses influences chronobiologiques.

• Buddhi (intellect de l’homme), principale source de connaissance, et

• Indriyârtha (objets des cinq organes des sens), source d’information du macrocosme

(univers) au microcosme (homme).

Les fonctions normales de Kâla, Buddhi et Indriyârtha sont des attributs importants du

processus de vie. Mais leur mauvais fonctionnement est considéré comme la cause première

de la maladie. Le déséquilibre (Ayoga / absence, Atyoga / usage excessif, Mithyayoga / usage

perverti, anormal) du temps, de l’intellect et du fonctionnement des sens sont considérés

comme la cause première de toutes maladies. Toutes les causes de maladies connues et

décrites par différentes écoles médicales sont secondaires à ces facteurs premiers qui sont

essentiellement des facteurs environnementaux. Ainsi, la cause de la maladie selon

l’Ayurvéda repose dans l’Environnement. Les moyens de guérison doivent alors être

recherchés dans la nature.

Evolution de la maladie et rythmes des Doshas:_Lorsqu’un individu est indisposé à cause

des facteurs étiologiques exposés ci-dessus, le processus morbide évolue sous la forme d’une

arythmie Tridoshique et d’une viciation des Doshas qui peut mener à une diathèse irréversible

donnant naissance à une maladie pleinement développée. Sushruta, un des principaux

médecins ayurvédiques classiques, décrit six étapes dans l’évolution d’une maladie qui sont

des stades spécifiques auxquels on peut intervenir par des traitements thérapeutiques


 

appropriés. Ces stades au nombre de six, sont appelés Shatkriyâkâla (les six étapes du temps),

soit :

• Sancaya (stade d’accumulation des Doshas)

• Prakopa (stade de viciation des Doshas)

• Prasara (stade de dispersion des Doshas)

• Sthâna Samsraya (stade de fixation des Doshas en d’autres localisations)

• Vyakti (stade de manifestation de la maladie)

• Bheda (stade de passage à la chronicité et aux complications de la maladie)

La précision avec laquelle sont décrits les différents stades de la progression de la maladie en

rapport avec les interventions thérapeutiques nécessaires est un concept unique à l’Ayurvéda

et démontre l’intensité et la grande capacité d’observation des médecins antiques. La

philosophie qui est à la base du concept de Shatkriyâkâla est la nécessité du diagnostic

précoce de la maladie et de l’intervention thérapeutique appropriée et à temps afin que le

développement de la maladie puisse être inversé vers la normalité sans attendre pour soigner

que la maladie pleinement développée ne se manifeste. Un médecin ayurvédique désirera

détecter les signes précoces qui apparaissent au moment où le germe de la maladie vient

d’être semé. En fait, le stade de Sancaya (stade d’accumulation des Doshas) est le stade où la

maladie est à l’état de germe.

Agni et Âma:_Dans le contexte décrit ci-dessus, il est souvent demandé pourquoi les Doshas

commencent à s’accumuler, où plutôt quel est le principal facteur responsable du

déclenchement du Kriyâkâla. Parmi de nombreux facteurs, Agni, le pouvoir digestif et feu

métabolique du corps, est considéré comme le facteur le plus important. Il y a treize types<